Pour remplir pleinement son rôle dans la transition écologique, la géothermie peut bénéficier des transferts de technologies issues des secteurs pétrolier et parapétrolier.
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Le principal écueil au développement de la géothermie réside dans l’identification, la caractérisation et la gestion des ressources géothermales. Une opportunité pour cette filière est de pouvoir bénéficier des savoir-faire acquis et des connaissances de pointe développées par le monde pétrolier depuis de très nombreuses années, notamment en matière d’exploration, d’instrumentation, de modélisation ou de forages. Les filières du sous-sol profond, c’est-à-dire l’exploration et la production pétrolière et gazière (E&P), le stockage géologique d’hydrocarbures, le stockage géologique de CO2 et la géothermie profonde, regroupent plus de 66 000 salariés en France pour un chiffre d’affaires d’environ 36 milliards d’euros. Soumises aux mêmes types d’aléas géologiques et techniques, ces filières reposent sur des compétences et des technologies largement communes, mais disposent de degrés de maturité différents. Faciliter les transferts de technologies et de compétences des filières les plus matures vers les filières les plus jeunes (géothermie, stockage de CO2) peut permettre d’accélérer le développement de ces dernières et apporter de nouvelles perspectives aux nombreux industriels français historiquement positionnés sur la filière pétrole et gaz. En géothermie, ces transferts sont aujourd’hui une réalité, ainsi que le montrent les projets de R-D présentés ci-après.
Préserver l’intégrité des puits géothermiques contre la corrosion
L’utilisation de matériaux composites pour le tubage des puits est une solution, bien développée dans le monde pétrolier et de plus en plus envisagée par les maîtres d’œuvre de géothermie. Ces matériaux offrent en effet une protection contre la corrosion bien supérieure à l’acier utilisé traditionnellement. Le recours à cette solution a été proposé en 2015 par la société CFG Services pour le rechemisage des puits des opérations géothermiques de Chevilly-Larue et L’Haÿ-les-Roses. Mise en œuvre avec succès avec des tubes en fibre de verre, elle a permis de garantir le maintien durable d’un débit d’exploitation compatible avec les besoins importants du réseau de chaleur et de préserver pour les quinze à vingt ans à venir, l’intégrité des ouvrages. Cette opération a été renouvelée sur un nouveau puits géothermique réalisé à Bonneuil-sur-Marne en 2018.
Les forages sub-horizontaux ou les forages multi-drains
À Cachan, la réalisation en 2017 par Dalkia du doublet avec forages sub-horizontaux – un chantier inédit pour la géothermie – a permis d’augmenter la production du doublet jusqu’à 450 m3/h, soit une progression d’environ 50 % par rapport aux derniers doublets géothermiques réalisés classiquement en région parisienne. Cette augmentation de débit a été rendue possible grâce à une architecture innovante des puits, forés avec une déviation de 90 °, au lieu des 40 ° traditionnels, améliorant ainsi les surfaces de drainage dans l’aquifère traversé et avec pour résultat une augmentation significative du débit et du potentiel de chaleur valorisable.
Plus récemment, en 2020, ENGIE Solutions a réalisé avec succès, sur l’un des puits du nouveau doublet de Vélizy-Villacoublay, un forage multi-drains composé de trois drains. Le forage traverse ainsi trois fois les niveaux producteurs et maximise de ce fait le volume de réservoir drainé naturellement. Les résultats attendus ont été largement confirmés puisque cette solution, bien développée dans le milieu pétrolier, a permis de porter le débit exploitable à 400 m3/h, soit 30 % de plus que le débit d’un doublet standard, avec un surcoût de 15 %. Ces différents projets ont bénéficié d’un financement du Fonds chaleur renouvelable.
Mieux estimer les gisements exploitables
En 2014, le projet GEOTREF, soumis à l’AMI Géothermie de l’ADEME, a été retenu pour un financement au titre des Investissements d’avenir. GEOTREF avait pour lieu de réalisation le sud de l’île de Basse-Terre, en Guadeloupe, et comme objectif celui de relever plusieurs défis, en particulier celui de développer des compétences et des synergies sur tous les aspects méthodologiques de la modélisation de réservoir, en s’appuyant sur des méthodes et des outils appliqués couramment dans le domaine de l’exploration pétrolière et en les adaptant à la géothermie. Le projet, qui a impliqué neuf laboratoires français à la pointe dans leur domaine et deux entreprises privées, a été conduit à son terme avec succès. À la suite des travaux menés un projet de centrale de production d’électricité géothermique est en cours d’étude sur la zone d’investigation de GEOTREF.
Opter pour la géothermie de surface
Le projet Geotertiaire associe l’IFP Énergies nouvelles (IFPEN), Sorbonne Université, l’université Paris-Dauphine et Geosophy, une start-up de Schlumberger créée par Alice Chougnet. La création en tant que telle de cette start-up témoigne de la motivation de sa dirigeante, après un début de carrière dans l’industrie pétrolière, de passer à la géothermie. Le projet, financé par l’ADEME, vise à développer un outil d’aide à la décision destiné aux entreprises foncières ou aux gestionnaires de parcs immobiliers. Il permettra d’évaluer le potentiel de valorisation immobilière du sous-sol pour le chauffage et le refroidissement de bâtiments tertiaires, via la géothermie de surface. Son intérêt est de diminuer à la fois les risques techniques et commerciaux liés à la réalisation d’une installation de géothermie de surface et d’inciter les cibles concernées à franchir le pas en optant pour cette solution.